JACQUES BAGE
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SELECTED WORK
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JACQUES BAGE
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ANGELO VULLO
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Cette peinture s’est développée un temps selon divers motifs décoratifs. Mais elle ne s’y limita nullement. Comme pour bon nombre d’artistes de la modernité (depuis Matisse jusqu’à Wim Delvoye, en passant par Christopher Wool) l’usage des arts décoratifs d’Orient ou d’Occident est ici le moyen d’accéder à une force de l’art que les images ne procurent pas, ou rarement.
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Ensuite, Angelo intensifia son décorum pictural en termes de réseau. Ce dernier étant à vrai dire aujourd’hui, l’incarnation la plus vive des trames anciennes de la mosaïque et de la tapisserie. Grande maturité de cette peinture et correspondance même dans la recherche et la durée avec les technologies de notre temps. Les réseaux d’Angelo Vullo m’apparaissent comme les textiles minéraux d’un vaste entrelacs pixellisé. Quelque chose d’ancestral et de nouveau, comme si Seurat, Klee, Byzance, Mondrian, Bonnard et quelques autres pouvaient ici être relus.
Le décoratif, en effet, est une voie royale de l’abstraction. On y géométrise le sensible sans pour autant le soustraire au plaisir d’un chacun. Les Primitifs le savaient, y encourageant une écriture visuelle collective. En quelque sorte, Angelo Vullo expérimenta là sa peinture comme une sorte de milieu. Le spectateur ne la regardait pas à distance mais selon une sorte de corps-à-corps avec une couleur florale.
​ Pierre Sterckx, 2013
CLAUDIE LAKS
Pierre Wat,
Extrait, in catalogue, Claudie Laks, Peinture 2004-2007, éditions Hazan
Faire un tableau, pour Claudie Laks, c’est à la fois instaurer un espace et s’inscrire dans une histoire. C’est créer un lieu dans un autre. Et j’aime à penser que cette façon qu’a l’artiste de laisser une marge non peinte aux quatre bords de sa toile est le signe de cette installation dans un lieu déjà là : une manière de distinguer ses limites de celles que le tableau pose a priori. Regardés de loin, dans cette distance relative que permet l’atelier, c’est d’abord ça que ces tableaux donnent à voir. Cette façon qu’a l’artiste de travailler dans les limites spartiates du tableau, comme si une aire lui était donnée à cultiver, avec interdiction d’en sortir. Non que l’artiste se soumette à cette logique du bord, mais parce qu’elle fait avec, construisant équilibre précaire et tension interne par une manière, fragile puisqu’on est là dans le non-peint, de s’adosser à cette frontière invisible.
Si la métaphore agraire a ici du sens – et parfois, de fait, elle semble s’incarner sous nos yeux dans des toiles où c’est véritablement le sentiment du paysage qui paraît avoir nourri chaque geste – alors il est possible de dire que pour Claudie Laks chaque tableau est un champ. Celui qui lui est donné : la toile vierge, dont le format, souvent monumental, prend ici sa justification. Et celui qu’elle instaure, par le geste et la couleur. Un tel vocabulaire, néanmoins, pourrait, par un glissement sémantique trop rapide, laisser supposer que le peintre s’inscrit dans une tradition moderniste : celle du color field, ou peinture du champ coloré. Effet de leurre, cependant, au même titre qu’est un leurre cette ressemblance qui semble pouvoir, dans un premier temps, être repérée entre le geste de Laks et celui d’un expressionnisme façon Pollock. Un leurre, dis-je, car le peintre travaille cette parenté pour mieux, à la fin, s’en éloigner. Et si elle fait un usage fécond de cette tradition, c’est parce qu’elle en part, au sens littéral, pour aller ailleurs.
Painting a painting, for Claudie Laks, is both establishing a space and signing up in a story. It is creating a space within another. And I like to think that the way that the artist has of leaving an unpainted margin on the four edges of her canvas is the sign of this installation in a space that is already there: a way of distinguishing her limits from those that the painting poses a priori. Seen from afar, in this relative distance that the artist’s studio permits, this is what we see in these paintings. The way that the artist has of working in the spartan limits of the painting, as if an area had been given her to cultivate, within fixed limits and with all departures from it forbidden. Not that the artist submits herself to this logic of the edge, but because she works with them, constructing a precarious balance and internal tension through a method which is fragile since we are here in the non-painted, of leaning up against this invisible boundary.
If the agrarian metaphor is meaningful here—and sometimes, indeed, it seems to take form under our eyes in the canvases where it is truly the feeling of the countryside that seems to have fed each gesture—then it is possible to say that for Claudie Laks each painting is a field. The one which is given to her: the bare untouched canvas, whose size, sometimes enormous, is now justified. And the one that she establishes, by gesture and color. This vocabulary, nonetheless, could, by a semantic shift that was too quick, lead one to think that the painter has chosen a modernist tradition: that of the color field. This would be an illusion, though, as would seeing on first sight a similarity between Laks’s gesture and that of a Pollock-inspired expressionism. An illusion, I say, because the painter uses this relationship in order to finally move away from it. And if she employs this tradition richly, it is because she leaves it behind, literally, to go elsewhere.
Régine Detambel
Extrait, in catalogue Claudie Laks, musée de Sens, octobre 2007, éditions Hazan
« Chez Claudie Laks, les entrelacs font le cœur et la vibration d’une œuvre où la brosse et le fusain, l’acrylique et la mine de plomb creusent le lit d’une écriture qui n’advient jamais, sans pour autant desserrer sa prise.
Car quelque chose de l’écriture est bien là. En tout cas la nature première de l’écriture, en tout cas la vivacité et la nervosité de quelques-unes de ses figures. On pourrait dire qu’un texte est toujours infiniment présent dans les signes de Claudie Laks, mais seulement sous forme de trace ou d’accord, qu’il est grondement de fond, profondeur vivante, qui n’appellera jamais aucun lecteur, et pourtant rôde continûment. Ce malgré tout, ce malgré-elle, ce quelque chose qui subsiste encore d’une écriture — mais d’une écriture sans texte, d’une écriture sublimée par l’extraordinaire travail de condensation des lignes de vibration, des encerclements, des pelotonnements —, vu de près, est un tissu. L’étymologie du mot texte m’y pousse, puisqu’il est l’ouvrage du textor, le tisserand latin, qui trame et ourdit la complexe grammaire des fibres. Le marqueur de Claudie Laks, venant rejouer dans l’ouverture déjà tracée par la matière acrylique, se livrent ainsi à des jeux de navettes, se risquent, déchirent, font et se défont, ressassant et débridant la même blessure. Travail d’entrelacement, aux doigts, des fils actifs et tendus, laines et soies de couleur, qui régénèrent la peau du monde. »There is a something which survives from the text despite it all and despite her– but from a text without writing, a text sublimated by the extraordinary work of condensation of the vibrating lines, the encirclings, the windings – and close up, this something is a fabric. The etymology of the word text inspires me, since it is the work of the textor, the Latin weaver, who traces the woof and warp of the complex grammar of the threads. The special brand of Claudie Laks playfully enters the path traced by the acrylic and engages in games of back and forth, and then surges, entangles, disappear and reappear, revisiting and unleashing the same wounded groove. A work of finger weaving, with active and taut threads made of wool and colored silk, recreating the face of the world.
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Une conversation en toute amitié avec F. Alagna
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